Martine Fourrépsychanalyste, Dr en psychologieParis



Martine Fourrépsychanalyste, Dr en psychologieParis

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Penser la psychanalyse, penser avec la psychanalyse

9 Jan 2023

Le corps à la racine du verbe

G.T. KEITA, Acrylique sur toile 30x30
G.T. KEITA, Acrylique sur toile 30x30

Je ne consignerai ici aucune de ces figures de la vie. Chaque représentation, chaque système discursif, comme le remarquait Michel Foucault dans L’ordre des discours, est en grande partie aléatoire et implique ses propres apories. Je veux simplement rendre sensible l’abîme invisible de malentendus, d’envies ou de rejets, de ces petites choses qui font violences à chacun, parce qu’elles manœuvrent les échanges quotidiens, avec des figures d’identification,  modèles de femme, mère, épouse, fille, homme, père, époux, fils, dans des parlés-vécus tellement distincts dès leur source. Les différences ne sont pas seulement observables et sociologiques. Elle touchent à l’intime et à la structuration même de l’être, de la personne, puis du sujet désirant.

Tentons d’interroger ces sources langagières dans les traditions, qui les font vivre. Elles tiennent aux premiers mots parlés par l’enfant en réponse à ceux que lui offre sa mère. Les premiers sont les mots des besoins physiques pour dire le corps : manger, dormir, marcher ... Entre le wolof et le français ou l’anglais, la rupture est déjà là. Ces deux champs lexicaux et grammaticaux différent dans ce qu’ils disent du corps, des pulsions primaires là où la vie se préserve, se perpétue d’une satisfaction des besoins primaire.

Le wolof à peu de mots pour désigner les sensations internes, il utilise des combinaisons d’images pour s’en approcher. Il y a peu d’espace dans ces langues traditionnelles pour faire des liens entre des organes et des sensations qui deviennent pulsionnelles, quand les mots viennent en dire les ressentis. En Afrique dans les langues traditionnelles, il fallait être fort, solide, quand la médecine n’était pas encore là. On parlait peu de ces choses. Bien-être, douleurs, maladies, souffrances étaient rapportés aux dieux, bon ou mauvais oeil. Puis-je penser qu’il fallait d’abord survivre, avec les savoir de l’époque ? qu’il fallait être en pleine santé, vigoureux, solide sur ses deux jambes. Survivre orientait le discours, sans mots pour comprendre ce qu’un corps subissait. Lecture du corps, des symptômes, des douleurs de leurs causes et conséquences sont des connaissances médicales qui  encore aujourd’hui passent pour des sensations de faiblesse, donc des frayeurs hors mots pour les penser autrement.

Deux ou trois petits exemples :

J’ai souvent eu cette impression quand je parlais avec des malades que leurs souffrances, leurs corps leur étaient étranger. Ils ne savaient pas dire où ils avaient mal, ni comment, en tous les cas ne trouvaient en français aucune correspondance avec leur langue. Pire, plus d’une fois je les voyais cacher leurs maux aussi longtemps qu’ils ne se voyaient pas… et même après jusqu’à la mort se taire… les femmes aussi cacher leur grossesse le plus longtemps possible.

Je me souviens de Mamour, un ami de vingt ans. Un dimanche soir, il me téléphone paniqué. Il s’étouffe. Je lui dis de prendre un taxi pour se rendre à l’hôpital. Je le rejoins. Il passe des radios et toute une panoplie d’examens.  Ses poumons sont pleins d’eau, en conséquence d’une hypertension dont il ignorait l’existence. Je reste atterrée des douleurs et de la fatigue qu’il devait subir depuis bien longtemps. Comment avait-il pu souffrir sans rien en parler, demander ? Les petits signes du corps vous alertent… lui ne s’était jamais inquiété, n’y avait jamais  pensé, n’avait jamais prit un jours d’arrêt, pire il me dit qu’il n’avait rien senti. Pourtant ses deux reins étaient irrémédiablement détruits. Au fond de la maladie encore, il était incapable de me parler de son mal… cela semblait défendu.

Mamour fut loin d’être le seul à me plonger dans ce désarroi devant une logique sans soulagement, et qu’il refusait de lâcher « parce qu’à l’hôpital on y va toujours pour mourir ». De la même manière d’autres malades me déroutèrent en transformant une maladie organique en un lien d’aliénation hors discours avec le corps médical, en l’occurrence moi qu’ils y avaient rencontrée.

Ceci pour dire cela : quelque chose du pulsionnel et de ses douleurs se parle différemment dans les deux langues. Cela rend les rapports aux corps et aux affects presque opposés, du trop d’attention en Europe à l’indifférence ou au déni plus habituel en Afrique. Le rapport à la douleur et à la maladie a considérablement changé en occident. La diffusion de la médecine scientifique a enrichi la parole des mères offerte au corps de leurs enfants. Le rapport du sujet à son corps en a été considérablement modifié, tout comme les liens sociaux que les hommes ont ensuite développés..

Revenons aux deux espaces langagiers, français/anglais et Wolof, que nous interrogeons. Ils sont si spécifiques chacun, et pourtant si semblables en deçà comme au-delà des mots qui disent les vécus corporels singuliers. Dans aucune des langues les mots ne collent à la chose qu’ils désignent. Toutefois, à regarder de près leurs constructions respectives, il s’avère impossible ou presque de nous entendre sans quelques malentendus supplémentaires, ceux que les différences d’une langue à l’autre véhiculent dans les espaces des liens, de leur transmission et de la culture qui les représente. Les efforts que doivent déployer les traducteurs en donnent de nombreux exemples. La thèse de Abibatou Diagne sur La terminologie wolof dans une perspective de traduction en Wolof des termes techniques, explicite les complexités rencontrées dans l’intégration au wolof de la lexicologie médicale et scientifique. 

 Quelques exemples de ces métaphores agglutinantes. Elles expriment beaucoup, mais peu des ressentis, ni d’affects. Par contre un fond moralisateur est déjà là. 

« Le corps enfante sans avoir porté » La maladie survient à l’improviste. (Rwanda)

« Le poisson non avalé n’est pas vomi » La maladie dont on ne connait pas la cause est difficile à guérir. (Burundi)

Ainsi, ces langues riches de métaphores, pauvres en termes conceptuels, comme le souligne Abibatou Diagne, concernent dans leurs racines moins l’expression des ressentis du corps, et dans leur foulée ceux du lien à l’Autre maternel et aux affects d’amour bercées par les logiques médicales de la conception du sujet. Cela met en lumière la pudeur dans l’expression des sentiments qui émanent des ressentis pulsionnels, qu’ici il vaut mieux taire parce que cette singularité dévoilée désolidariserait le groupe familial et communautaire. Jusqu’à une époque récente, où ont fleuris les soap opéra africains après l’envahissement de ceux qui venaient du Brésil, les nécessités morales des liens prédominaient sur les partages des souffrances individuelles physiques ou psychiques. 

Jacqueline Rabain observe dans son enquête sur l’enfant wolof du Sénégal, que « le tout premier âge appelle la mobilisation de représentations fondées sur des correspondances entre l’homme et la nature, et, en particulier, le caractère fluide ou solide des composantes corporelles. » Le nourrisson, liir, « est d’abord décrit comme liir bu tooy, c’est-à-dire nouveau-né fragile, délicat. La première étape de la croissance est représentée par un assèchement et un durcissement des cartilages grâce à l’évaporation de l’eau qu’ils contiennent. L’affermissement des os permet à l’enfant de devenir liir bu dëgër, nourrisson ferme, résistant. » comme un combo bien mûr. Plus que les souffrances du corps et ses états d’âme, les mots qui tissent les premiers liens s’attachent à la force et à la solidité, qui préservent la vie.

Résumons.  Les différences du penser et partager les vécus, s’enracinent dans la prime enfance, avec les mots portés par la mère et tous les autres sur les vécus du corps. La différence entre le Wolof traditionnel, dans ce qu’il imprègne encore aujourd’hui les liens, cette différence est considérable avec les langues pétries du discours de la science. D’un coté les expressions sont imagées sur fond d’éléments de la nature et d’une morale du lien, et de l’autre les expressions sont plus conceptuelles en termes d’attachement, incluant les ressentis physiques puis psychiques. Cet enracinement va jusqu’aux plus intime des personnes, et chacune de ces langues dessinent l’imaginaire spécifique de l’espace langagier où se déploient toutes les rencontres. Ces liens des mots aux choses de la vie complexifient d’autant plus les relations inter-culturelles, qu’au fil des siècles au décours de la colonisation les deux langues se sont enrichies mutuellement incorporant leurs malentendus, incompréhensions, jusqu’à trop souvent se mettre en miroir. 

L’avons-nous assez fait entendre ? Cette complexité est autant lexicale que grammaticale, comme y insiste Abibatou Diagne dans sa thèse, questions que l’on croise tout autant chez des auteurs littéraires comme Abdoulaye Elimane Kane et Mohamed Mbougar Sarr, pour ne citer qu’eux.

9 Jan 2023

Histoires d’après la décolonisation

Tirailleurs… film, pensées, questions vivantes
Tirailleurs… film, pensées, questions vivantes

Ce malentendu des langues et des mots, que J. Lacan désignait par la maxime « y a pas de rapport sexuel », est venu s’habiller depuis les années 50 d’une lecture collective des faits du passé colonial européen-africain, des raisons et intentions qui s’en sont imaginées, puis cultivées. Aucune rencontre actuellement ne s’effectue hors le canevas d’idées et d’habitudes dont ces mots du temps l’habillent.  

Une chercheuse en anthropologie, s’interrogeant sur les migrations des européens en Afrique de l’Ouest, relève  combien la rencontre entre le toubab et le sénégalais est construite sur un imaginaire commun qui fige les protagonistes dans des positions stéréotypées, ou chacun cherche dans l’autre l’exotisme, dont il rêve ou qu’il redoute et envie.

« Je me retrouvais face à un migrant français qui, fort de son raisonnement culturaliste, me discriminait en tant que toubab parce que je ne partageais pas sa vision racialiste et primitiviste de l’africanité. »

Ces mises en scène d’un exotisme noir en miroir de la blanchitude chez les expatriés, se révélaient arcboutées sur l’appât du gain chez les sénégalais. Les illusions de fortunes plongent en effet ces derniers dans le dévoiement des traditions de l’aumône en terre d’islam.

« Les résidents européens, retraités ou chefs de petites entreprises, constituent localement une classe sociale supérieure, et cette appartenance n’est pas toujours assumée, d’autant qu’ils proviennent en grand nombre des classes moyennes européennes. Largement sollicités pour des dons financiers, leurs refus récurrents les confronte à des escroqueries, quand leurs interlocuteurs sénégalais ne les renvoient pas à du racisme : ces derniers manient très bien les rhétoriques misérabilistes et postcolonialistes face à leurs voisins européens. »

À tous les niveaux, d’une rive à l’autre, le sens du ou des mots ne colle pas, ne véhicule pas les mêmes imaginaires de situations pourtant communes, partant les mêmes vécus des corps, les mêmes ressentis affectifs produisent des liens différents. Les modalités de filiation et d’affiliation, les codes de comportements dans chaque langue respective semblent creuser entres elles un fossé invisible. La fixité en miroir des représentations de l’homme par l’homme, les lectures du réel qui font réalités, ne cessent de cliver ces groupes sociaux dans des humanités qui ne savent pas se reconnaître.

9 Jan 2023

Différences des imaginaires

La différence entre les deux langues est aussi une différence des imaginaires. La compréhension des mots, leur sens ne sont pas identiques. Ici, comme toujours, traduction est trahison. Dans notre conte, cette histoire ne serait pas arrivée si la vieille dame n’avait, une quinzaine d’années plus tôt, entendu la « demande » du jeune M. G de la considérer comme sa mère. En l’acceptant, elle en avait joué la partition selon la compréhension et les repères symboliques français ; la suite révélait qu’il n’en avait rien entendu, ni compris, donc n’avait pu accepter le sens des choses ainsi posées. Au moment de la séparation, il tomba dans un gouffre hors symbolique. Dans son espace de compréhension, elle devenait « pas-là », disparaissait, donc il perdait tout, quand il ne voulait rien perdre. Les calculs de Mme B. étaient trop compliqués pour lui, et la notion d’usufruit pas concevable, puisque bien différé dans l’avenir, hors discours. Lui il voulait qu’elle soit là, le bien aussi, et que rien ne bouge, que tout soit comme toujours. La mort c’est pour plus tard. 

Les mots mère et fils se révélaient à l’instant de la séparation ne pas emporter dans les deux langues les mêmes repères pour des vies qui ne se pensaient pas selon le même modèle. Pour M. G ce départ était une rupture de la parole, alors que M. B l’avait toujours entendue comme une parole donnée incluant sa mort dans l’espace symbolique qui, en occident dessine le sens de la vie. Manifestement, pour M. G, elle n’agissait pas selon son fantasme et ses repères du maternel, manifestement selon Mme B, il ne se comportait pas comme un fils respectueux de sa dette symbolique. Elle avait pensé qu’il s’inscrirait dans la transmission des savoirs et connaissances qui font marcher le monde occidental, lui s’était probablement installé dans un « toujours là » ou elle aurait toute sa vie subvenu à ses besoins. Le quiproquo des langues, s’enracinait dans l’incontournable malentendu inhérent aux fantasmes singuliers de chaque protagoniste. Les mots : enfant, fils, filles, mère, père, papa, maman, oncle, tantes, cousins, grands-parents et amis étaient vivants dans leur polysémie, et touchant ici aux racines du don, ils venaient comme un drôle d’écho décalé au processus en jeux dans la décolonisation… un enfant qui ne voudrait pas s’éloigner de sa dépendance infantile, quand bien même fut-elle contrainte.

De semblables méprises se rencontrent aussi dans les mariages mixtes. Le mot aimer, qui existe dans les deux langues, n’est pas pris dans les mêmes représentations, ni des usages identiques. Aussi mari et femme, avec la polygamie ne recouvrent pas les mêmes réalités. La polysémie de rupture du sens creuse au fil des années un profond malentendu dans ces rencontres. Rien de moins sûr que l’amour aient eu le même sens des la rencontre pour les amants, pour l’époux et l’épouse. La méprise du fantasme est au principe de tous les amours. Elle se trouve ici redoublée par l’écran des racines du verbe.


9 Jan 2023

Différence de structure des langues

Calligraphie reflet des corps…
Calligraphie reflet des corps…

Le Wolof est la langue maternelle de notre héros, quand le français est celle de la vieille dame. Le Wolof est une langue amalgamique, qui fonctionne par juxtapositions et entremêlés de termes représentant personnes, objets, images et actions. De leurs amalgames dans des ordres déterminés surgit le sens. Il comprend peu ou pas de termes conceptuels au sens entendu par le discours de la science. Il fonctionne par représentations et récits, de manière orale avec tous les ajustements que la palabre déploie pour s’assurer de la compréhension des interlocuteurs. Cela donne à cette langue très imagée une allure métaphorique, qui nécessite l’interprétation des interlocuteurs, pour vérifier auprès de l’énonciateur sa compréhension. 

La glace devient l’eau caillou, et je reçu un jour cette remarque d’un des gardiens de ma maison : « pourquoi tu parles si court Madame, moi pas comprendre ».

Cette spécificité donne l’occasion de maints débats parmi les linguistes, dont celui de la question du sujet.

« Nous nous écartons donc ici de la position de ceux qui, comme Yaguello (1981), Diouf (1985) ou Robert (1994), font valoir que l'énonciateur est toujours implicitement présent derrière un énoncé, quelle qu'en soit la forme. Nous admettons volontiers cette idée générale, mais nous prétendons qu'il est souhaitable de distinguer les perspectives pragmatique et syntaxique : s'il est vrai que tout énoncé émane d'un énonciateur, il n'est pas vrai que l'énonciateur soit encodé dans toute construction - nous nous rallions notamment sur ce point à Benveniste (1946/1966) et Banfield (1982). »

Cette question du sujet est d’autant plus vive, que les verbes être et exister, tels que nous les connaissons, sont absents de cette langue, où l’énoncé est toujours une action faite par une personne. Exemple: je pars : damay dem, tu pars : dangay dem, ou dama marr : j’ai soif. C’est la forme du sujet qui change, damay ou dangay, pas le verbe dem, ce qui se traduit communément par moi partir. On peut dire : je suis là ou je ne suis pas là, mais pas : je suis, au sens d’exister. Nous voilà face à une langue qui ne comprend pas de manière explicite la notion de sujet, en tant que penser de l’être, en tant qu’interrogation d’une personne sur lui-même et sa vie, telle qu’elle se pose dès l’enfance dans les langues indo-européennes. 

Ainsi dans un petit livre de proverbes africains publié chez Marabout en 2007, n’apparaissent pas les entrées : personne, individu, être, sujet, sentiments, affection,…

Entendez-vous les méprises qui peuvent s’en suivre ? Entre nos deux protagonistes, Mme B. s’est toujours adressée au sujet qu’elle supposait chez M. G, et ce dernier a toujours fait écho à la personne qu’il voyait là devant lui sans, dans sa langue maternelle, disposer de concepts pour l’interrogation de ses intentions dans la relation, seulement d’images ou de paraboles aux figures multiples, un peu comme le faisait Jean de La Fontaine avec ses fables animalières. « Cette leçon vaut bien un fromage sans doute ? »


Un élément se dégage fortement. Si la culpabilité est un ressort de la culture occidentale, inhérent à cette question du sujet enraciné dans un fond religieux chrétien, elle est aussi un des mots absent du Wolof. Dans cette langue, la personne est là ou pas là, comme les objets, les ancêtres ou les djinns… elle fait ou fait pas, ceci ou cela… le reste plait aux dieux ou pas.

L’idée même de temps, qui chez nous ponctue les modalités du désir, est en Wolof corrélée à cette particularité du « là/pas-là » qui semble sans intention. Un objet ou une personne sont là ou pas-là. Une action est faire ou pas faite. Les conjugaisons n’ont donc pas le temps comme organisateur (présent, imparfait, futur). Elles ont d’autres repères apparentés aux modes de faire et d’être-là. Ce sont : le parfait, le présentatif, le narratif-aoriste/accompli, l’impératif, l’obligatif, l’emphatique. Si le présent et le passé sont discutés dans de nombreux travaux, il est fait moins de cas du futur, le prévisionnel. Étrange système pour notre compréhension qui s’opère d’un sujet et d’un temps chiffrable. Cette perception autre prend toute sa différence dans les traditions de visite. Au Sénégal on peut s’inviter dans la famille ou chez un ami à tout moment du jour et de la nuit. Pour nous impensable, au sens d’impossible à penser. Dans le travail, cette habitude rend toute organisation et logistique riches d’imprévus. Les expatriés ont alors pris une habitude amusante : ils précisent leurs rendez-vous d’une question: « heure toubab ou sénégalaise ? ».  

Pour dire lors des visites qu’il faut savoir se retirer à temps, au Rwanda on récite ce proverbe : « là vache qui reste en place longtemps s’éloigne avec une fléchette », au Sénégal on « demande la route ».

Aussi les notions de spacialisation leur sont particulières. Dans leurs déplacements, les choses et les personnes sont là ou pas là. Tout ce qui concerne les trajets devient de ce fait compliqué, il faut de longues conversations pour expliquer où l’on est par téléphone, et préciser une adresse ou un trajet d’un lieu à un autre passe par quelques méandres. Un jour, le gardien de la maison agacé, quand j’insistais pour savoir où il était, finit par me dire : « je t’explique pas de toute façon tu pas connaître et pas comprendre »

« On ne prévient jamais de son départ ni de son voyage à venir, on informe de son arrivée. Il ne faut pas que les mauvaises langues, que les mauvais sorts affectent le voyage. Arrivée dans la nouvelle maison les talismans suspendus au-dessus de la porte ou enfouis dans le jardin précèderont la venue des visiteurs. » Florence Rolland-Niang


9 Jan 2023

 Expatriés, nationaux… quelles incompréhensions réciproques ?

Oliver Douville, Charles Becker, Petit Momar, Professeur Momar Gueye, repas communautaire à la Résidence Vivre Art de Dakar
Oliver Douville, Charles Becker, Petit Momar, Professeur Momar Gueye, repas communautaire à la Résidence Vivre Art de Dakar

La fin de ma vie au Sénégal précipite en ses derniers soubresauts un réel fait du tissage de mon histoire, de ma subjectivité, avec les mots entrechoqués de deux cultures irrémédiablement déchirées, déchirantes. La colonisation y prit une dimension de stupeur figée dans une opposition d’incompatibilités. Par culture j’entends la langue et les rituels qui constituent un espace humain dans ses habitus de production de l’homme par l’homme, et les réalités qu’elles génèrent, ce que l’on désigne communément des termes d’éducation ou/et de transmission, de socialité des rapports et des partages.

Mon vœux est de sortir de la morale bien-pensante où s’enlise la question. Les bonnes intentions enferment les anciens colonisés non seulement dans les horreurs que leurs ancêtres eurent à subir des politiques et des colons de l’époque, mais aussi elles en redoublent l’enfermement par l’occultation des mécanismes relationnels qui se sont développés depuis. Une petite histoire à mille autres pareilles en Afrique de l’Ouest, l’illustrera. Elle n’est pas sans rappeler celle de L’étrange destin de Wangrin, ou les roueries d’un interprète africain, de Amadou Hampâté Bâ. Plus près de nous internet multiplie les rocambolesques et funestes facéties des brouteurs d’Abidjan et d’ailleurs. Autant de récits et de proverbes qui tissent les liens entre ces deux origines, et qui pourtant n’apparaissent jamais parce qu’il est mal venu à l’ancien colonisateur d’en rendre publiques les agressions. Ainsi, lors d’un congrès en 2013, j’émis ce proverbe africain qui fit scandale : « voler un blanc n’est pas voler ». Je m’attirais les foudres des bienpensants, quand peu se réjouirent de la surprise qui relançait leurs réflexions.

Voici une petite histoire au canevas habituel. Lors de la vente d’une maison, dont ils sont deux associés à posséder la nu-propriété, Mme B. en ayant gardé l’usufruit, Monsieur G. possesseur de parts minoritaire soumet tout le monde au chantage suivant : il n’acceptera la vente qu’à condition que l’ensemble du capital usufruit et nu-propriété lui revienne. Au motif que la vieille dame lui aurait promis que le bien lui appartiendrait le jour de sa retraite. Ses cinquante ans venus, se sentant venu à cet âge et dans le besoin, il se campe dans le bon droit, qu’il se suppose, de réclamer l’entière propriété, sans attendre ni l’accord de l’associé majoritaire, ni le décès de la vieille dame. 

Est-ce de sa part un chantage conscient ? Ou bien ce surgissement relève-t-il d’une autre logique ? Monsieur G. ment-il en brandissant la promesse de Madame, et en voulant léser tout le monde ? Il n’est pas sans en savoir quelque chose, puisqu’il rapporte aussi, que Madame B. ”fait toujours ce qu’elle dit, et dit toujours ce qu’elle fait”. Mais il s’accroche à l’ignorer. En effet Madame B. lui fait remarquer que si elle avait voulu se départir de son bien de son vivant, ne serait-ce pas ce qu’elle aurait consigné chez le notaire ?

Toutes les séparations, ruptures de liens, pas seulement avec les expatriés ou les ex-colonisateurs : divorces, héritages, départs ou renvois professionnels, toutes sont en Afrique difficiles, douloureuses, longues à mettre en place, et surtout vécues avec des agressions, des digressions et beaucoup de  violences. 

Je veux ici essayer de lire les quiproquo qui les inaugurent. Il convient d’examiner sérieusement les différences qui s’impliquent dans ces querelles : différences de structures des langues, différences des imaginaires portés par les mots, différences des processus de transmission, différences des représentations sociales et de leurs représentants … chemins d’œdipismes non comparables. 


9 Jan 2023

L’expatriation…

Joyeux Noel et Bonne Année 2023
Joyeux Noel et Bonne Année 2023

Faire le choix de vivre à l’étranger, dans une culture qui n’est pas portée par sa langue maternelle, n’est pas sans conséquences. Au moment du retour en France, j’en mesure toute la richesse et bien des complexités. La différence des langues, les quiproquos, les incompréhensions, me portent à un certain regard, des interrogations sur des violences et des déchirements auxquels la mondialisation contemporaine affronte les pays, jusqu’à chacun d’entre nous.

C’est à cette question, qui éclaire dans ses reflets la manière dont notre existence et nos vies se construisent en occident, que je veux consacrer un peu de temps, repoussant une seconde fois ma rédaction concernant la féminité à partir des vies et des oeuvres d’Amy Winehouse et de Véronique Samson.

Mais nous ne éloignerons-nous pas tellement de ces questions. Interroger la fabrique de l’homme par lui-même nous ramènera insensiblement sur celles du féminin que nous laissons en suspens, car dans chaque culture, plus qu’un fait social et anthropologique, le statut de la femme, des femmes, des mères et des filles, se trouve gravé, inscrit, porté par chaque langue au plus profond de ses mots, sa grammaire, sa syntaxe.

30 Apr 2022

Jacques Brel

Il s’est trouvé qu’au moment où je cherchais les articulations d’une toute fin de rédaction, lasse de ne rien trouver, à 21 heures ce soir-là, je me mets devant la télévision. Sur France 3, passe un documentaire : Jacques Brel, fou de vivre. Le titre m’interpelle. Il est si proche de celui d’un de mes livres : La folie de vivre. Les images défilent. Je n’en crois pas mes oreilles. Même les journalistes semblent avoir été gênés aux commentaires des éléments de cette biographie. Brel est cet enfant, qui avait pris en grippe la platitude de son pays et de son enfance dans une famille catholique de la bonne bourgeoisie Belge. Une vie parée de faux-semblants pour un bien universel mâtiné de morale chrétienne. Cela dit, tout semble dit. Jacques adolescent devient scouts, et chante ses chansons aux charmes bigots. Il se marie. Intègre à regrets l’entreprise familiale. S’ennuie, végète, déprime, finit par quitter ce microcosme, qu’il hait en silence. Depuis l’enfance il veut fuir. Écrire. Jouir des mots, a toujours été sa manière d’échapper. Chanter, écrire, est depuis les scouts sa tentative d’exister. Il s’en va pour Paris. Il veut se mesurer, chercher là-bas ce qu’il vaut. Mais rien. Échecs. Refus. Solitude. Misère. Ses chansons cul-béni n’attirent pas les foules. « Mis au pied du mur par sa maison de disques, il finit pour s’imposer par franchir une limite, celle de la pudeur, avec une chanson identitaire qu’il donne en 1959 à 30 ans. Ne me quitte pas.…1960, La chanson est descendue dans la rue, elle devient la couleur du temps. D’un coup Jacques Brel, celui qui chante ce qu’on n’a jamais dit, est connu de la France entière. …» Le journaliste précise : « Ne me quitte pas.…C’est un hymne à la lâcheté. C’est ça Ne me quitte pas. C’est jusqu’où un homme peut s’humilier. Je sais évidemment que cela peut faire plaisir aux femmes, qui en déduisent assez rapidement que c’est une chanson d’amour, mais c’est un hymne à la lâcheté des hommes » 

Le rapport de Brel aux femmes sera toujours parfaitement lâche. Il en aura plusieurs, mille qu’il ne quittera jamais, il sera toujours quitté, sauf par Miche, son épouse fidèle qui a pris la tête et la gestion de leur maison d’édition, de son catalogue de chansons. Ne me quitte pas. En 1961, c’est l’Olympia, Johnny Hallyday vient de faire un malheur. Seul Brel a accepté de lui succéder.

La célébrité le submerge. « Je deviens Brel et je suis traité comme si j’étais important, alors que je sais bien que ce n’est pas vrai, je fais de la chansonnette, que de la chansonnette, et c’est difficile d’être honnête vis-à-vis de ça. J’ai jamais rêvé tout ce qui m’arrive. Je croyais que ça allait se passer autrement. À un moment j’ai senti que c’était raté, que le rêve c’était pas ça ». La fuite recommence, sous une autre forme, la route des concerts dix mois et demi par an. Terrorisé par le public. Frayeur d’être insuffisant. Peur de déranger, d’être surnuméraire. « Ils sont mille, ils vont être mille un, et je suis le un qui dérange ». C’est exhibitionniste de chanter, impudique. J’ai été vomir avant chaque tour de chant de peur. Courir jusqu’à tomber. Chanter, jouer ses chansons, aller au bout des mots avec le corps, incarner le texte « si l’acte d’amour n’est pas suivi d’un énorme épuisement, c’est qu’il n’y avait pas d’amour » Des concerts toujours à la lisière de l’indignité. « À quel moment tu es bien ? » lui demande le journaliste. « Quand je me couche et à condition que je ne puisse plus rien faire d’autre que de me coucher, quand je tombe. À ce moment c’est pas le bonheur, tu sais bien, mais il y a deux ou trois minutes où tu te supportes…»

Le parallèle des contraires avec Johnny, s’arrête là. Quand il s’agit de travailler, le Grand Jacques est aussi monstrueux. Il trime, jusqu’à épuisement, fou de poésie même s’il n’emploie jamais le mot. « C’est un long labeur, c’est une planche qu’on rabote, c’est de l’artisanat, et c’est d’autant plus difficile qu’il n’y a finalement pas de loi. Le talent ça n’existe pas. Le talent c’est d’avoir l’envie de faire quelque chose, et je crois qu’avoir envie de réaliser un rêve c’est le talent, et tout le reste c’est de la sueur, c’est de la discipline, je suis sûr de ça, l’art moi je sais pas ce que c’est, les artistes moi je ne connais pas,…» On le proclame poète. Il refuse : « Je n’ai rien réussi. Dès qu’on sait un peu, on sait qu’on ne sait rien. Je n’ai rien à voir avec Rimbaud ou Baudelaire ou un quatuor de Debussy ou de Ravel, faut être sérieux, j’ai rien à voir avec eux. Je n’ai pas honte, simplement je n’ai pas honte. » 

Son père meurt, sa mère qui a toujours suivi son père, décède trois mois plus tard. Il écrit Les vieux. C’est tout ce qu’il dira de ses parents. L’amour, il le soutient comme un rêve, mais il n’est jamais à demeure, sauf pour ses vieux. Sylvie Rivet, intellectuelle, grand lectrice, sera bien sa compagne pendant 10 ans ; ils vivront souvent au cabanon de Roquebrune, mais Miche et leurs trois filles, le reverront inlassablement quatre à cinq jours par mois, dans la grande maison de Bruxelles. L’homme qui a peut-être écrit les plus belles chansons d’amour du siècle, n’aime pas les femmes, ou peut-être les aime trop et trop mal ? Peur ? Horreur ? Interroge le journaliste, qui conclut : « misogyne sûrement. » 

Finalement, il se rejette lui-même, fendu d’une blessure insupportable : il se vit comme laid, donc non-aimable. Le désir des femmes qu’il éveille avec ses chansons le pétrifie, le fait déguerpir. À ce non-amour il tient. Il préfère garder son statut de mal aimé, pour conserver son rêve d’amour « les femmes sont toujours en dessous de l’amour dont on rêve, à coté du rêve que j’ai…»

Et il repart…

Donc de ses femmes il ne parle jamais, pas plus qu’il ne parle de ses parents, ou de ses enfants, pas plus qu’il ne parle de lui. Beaucoup de la rigidité de son père, digne représentant d’une communauté humaine dans laquelle il se sent surnuméraire.

Enfant en trop. Pour ses enfants il sera de trop. De ses filles, il dit qu’il ne les connaît pas, qu’elles ne le connaissent pas non plus.

Probablement vit-il sans proches, isolé parmi des copains, surnuméraire de toute vérité du père partout, dès sa naissance. 

Toute sa vie s’écrit comme s’il n’avait pas été attendu, accueilli, aimé. Comme s’il n’avait pas compté, comme si nul ne l’avait vu. Plutôt comme si ON l’avait entraperçu, puis à jamais refusé de le voir. Trop laid. ON l’a élevé, mais nul ne sait qui est ce ON, pas plus lui. Il est le cygne noir qui dérange, il est indécent, et son existence ne fait qu’importuner, embarrasser. Ses chansons bousculent l’ordre établit.

Vivre serait crier pour être entendu, vu, aimer, parce qu’il le vaut bien ? déranger un monde si bien rangé, qu’on perturbe rien que d’être là. Mais c’est indécent la jouissance dans un monde où elle a le visage du néant de la pensée. Penser est obscène. Et lui Brel, il pense. Mais, il ne le dit pas. On parle des bourgeois, jamais de quiconque, encore moins de son père, pas même de sa mère. Peut-être de Jef. Un double de lui-même. Au patriarche, il ne s’opposera jamais. Il prendra la poudre d’escampette. Tout comme avec le public il ne dialogue pas. Il fout le camp, il se recroqueville de lâcheté. Ne me quitte pas…

Le 16 mai 1967, il donne son dernier récital à Roubaix. Puis il fuit, court toujours plus loin, encore plus vite. Il apprend à conduire avion et bateau, s’envole, largue les amarres vers l’autre coté du monde. Il reviendra pour quelques films, avec lesquels il ne fera pas carrière, une comédie musicale qui ne fera pas beaucoup mieux. Don Quichotte de La Mancha, autobiographique d’un chasseur de moulins à vents.

Atteint d’un cancer du poumon, il meurt à l’âge de 40 ans. 

Sans limites, sans lien vrai avec ses parents ou quiconque, la mort lui viendra dans l’épuisement de son corps, les deux minutes avant de s’endormir où il se supportait. Jacques Brel l’enfant mal-aimé, fut l’homme qui de laideur n’eut jamais le désir de s’aimer. Plus fondamentalement n’eut-il jamais le désir d’aimer ses parents, impossibilité d’être aimé par eux, d’aimer vivre…

Ce mot amour, Quand on a que l’amour sa première rencontre avec le public, aurait pu faire basculer sa vie et sa carrière. Souvenez-vous, ce fut son premier succès. Le commentateur du documentaire Brel fou de vivre, en propose la remarque suivante : « cette chanson d’amour le fait passer du répertoire de l’abbé Brel, frère prêcheur des prêchi-prêchas, à une dimension qui va l’inscrire dans la modernité de son époque. » C’est cette phrase qui a attiré mon attention, établi une comparaison entre ces deux artistes.

En affirmant que l’amour est la seule possession de ceux qui n’ont rien, donc de tous, Brel pose la question de la nature même de l’amour. Il est ce qui reste lorsque l’on n’a rien, lorsque l’on ne vous a rien donné. Cette ébauche d’échange avec son public aurait pu lui faire commencer, avec la chanson suivante, un dialogue. Il aurait continué à penser avec « tous » les amours infantiles et adultes. Quand on a que l’amour …Il ne le fit pas. 

Ses textes demeurent comme une lecture figée dans les plaintes convenues et les critiques acerbes de la bourgeoisie de son époque. Le sujet, s’il s’avance pour aller se trouver dans sa poésie, déguerpi trop effaré de lui-même. 


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20 Jan 2022

Vient de sortir : 

https://www.librinova.com/librairie/martine-fourre/jimi-hendrix-1

Les artistes sont essentiels à nos vies. Dans le miroir de nos regards, ils nous offrent leur rencontre avec les illusions de notre époque : amour et gloire, autant que la découverte d’eux-mêmes et de leur désir. Dans ce parcours, certains comme Jimi Hendrix meurent d’épuisement de jouissances.

Le travail de Martine Fourré nous présente une biographie tendre, touchante et documentée de la descente aux enfers de ce fabuleux musicien, puis dans un second temps une réflexion sur les rouages sociaux qui auraient pu permettre à Jimi de ne pas courir vers sa mort prématurée.

Pour une conclusion impossible. Elle s’interroge sur ce que la psychanalyse peut offrir à ces rencontres… comme une main tendue à ceux qui chantent 

C’est quoi une femme ? C’est quoi un homme, tels Sliman et Vita… qui continuent ainsi le grand œuvre de leur prédécesseurs…

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4 Jan 2022

Formations

Une bonne nouvelle en ce début d’année.

La pandémie nous ayant fait pratiqué Zoom, la majorité des enseignements des Ecoles Analytiques auprès de leurs adhérents se font dorénavant aussi bien en présentiel, que par Zoom. Ainsi la formation des psychanalystes devient-elle facilitée pour ceux qui ne résident pas à Paris, puisqu’elle devient possible de province comme de l’étranger, lorsqu’il y a des analystes sur place.

Les universités, comme :

https://www.iedparis8.net/?-master-de-psychologie-clinique

https://www.univ-rennes2.fr/formation/formation-distance

https://www.nciecoleparis.fr/etudiants/examens/

Et ce forum http://forum.psychologues-psychologie.net/showthread.php?72775-Vos-avis-sur-les-formations-en-enseignement-%E0-distance

développent également  leurs formations numériques. A suivre donc…

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1 Jan 2022
Martine à l’Ecole de la Cause
Martine à l’Ecole de la Cause

Au fil des jours,

Comme je l’ai fait sur Le Monde et sur les Actualités Sociales Hebdomadaires, je me propose  de reprendre sur les pages qui suivront mes petits papiers rapides. J’y consignerai au fil des jours les questions qui me viendront, que soulèveront les uns et les autres, praticiens ou non, les idées que feront surgir le quotidien, les lectures, les rencontres… 

A suivre donc…

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